Comportement au feu des éléments de façade
Depuis le tragique incendie de la Grenfell Tower à Londres en juin 2017, le comportement au feu des éléments de façade fait l’objet de nombreuses discussions et spéculations. Le feu aurait en effet démarré au quatrième étage et serait entré dans le bâtiment à différents endroits par la façade. La législation incendie belge est elle suffisamment sévère pour prévenir de tels sinistres ? Nos éléments de façade préfabriqués constituent-ils également un risque ? Outre la propagation du feu, y a-t-il d’autres points auxquels il faut faire attention ? La commission technique de la FEBE a récemment organisé une journée d’étude pour ses membres au cours de laquelle la législation belge relative à la sécurité incendie a été interprétée et appliquée avec une attention spécifique sur les éléments de façade préfabriqués en béton.
Propagation de l’incendie par la surface du revêtement de façade
Trois types de propagations du feu peuvent être distingués : propagation par la surface du revêtement de façade (Figure 1), propagation par la liaison entre le plancher ou la paroi du compartiment et la façade (Figure 2), propagation par des éléments combustibles du système de façade (Figure 3).

Que prévoit la réglementation pour le premier type ? L’AR Normes de base exige que le revêtement de façade de bâtiments dits « bas » satisfasse à la classe de réaction au feu D-s3,d1. Pour les bâtiments « moyens » et « élevés », la classe B-s3,d1 est d’application. Les exigences ne sont pas en vigueur pour 5% de la surface visible. Les bâtiments industriels ne doivent pas satisfaire à des exigences spécifiques, lorsqu’il s’agit de ralentir ou limiter la propagation du feu par les surfaces de façades.
Le béton appartient à la classe de réaction au feu A1. La feuille extérieure des panneaux sandwiches ou des prémurs isolés, par exemple, satisfait largement à l’exigence de réaction au feu. Du reste, les joints entre les éléments de façade ne doivent pas satisfaire à cette exigence, car leur surface représente moins de 5 % de celle de la façade.
Attention : les exigences sont d’application pour les produits de construction dans leur destination finale. Cela signifie que le revêtement de façade ne peut pas être considéré séparément, mais tel qu’il est appliqué sur le chantier. L’exigence de réaction au feu est, en d’autres termes, également valable pour les couches sous-jacentes, si leur masse ou leur épaisseur est égale ou plus grande à 1,0 kg/m² ou 1,0 mm, comme par exemple les couches d’isolant.
Les matériaux d’isolation les plus utilisés dans les panneaux sandwiches et les prémurs isolés sont les EPS, PIR et PF qui appartiennent aux classes de réaction au feu E ou F et ne satisfont donc pas à l’exigence de réaction au feu. Toutefois lorsque les couches d’isolant sont protégées par un élément de construction qui offre une protection contre l’inflammation, le charbonnement ou d’autres dommages (capacité de protection au feu K210) pendant 10 minutes, elles ne doivent pas être prises en considération pour les exigences de réaction au feu. La feuille extérieure d’un élément de façade en béton offre une protection suffisante, car selon la NBN EN 1992-1-2+ANB une paroi en béton de 60 mm d’épaisseur a une résistance au feu de EI30.
Propagation de l’incendie par la liaison entre le plancher ou une paroi du compartiment et la façade
La propagation de l’incendie entre deux compartiments par la façade peut se produire par l’intérieur ou par l’extérieur (Figure 2). Pour limiter le risque d’une propagation par l’intérieur, la liaison entre le plancher du compartiment et la façade ou entre la paroi du compartiment et la façade doit avoir une résistance au feu de EI60. Pour les bâtiments « bas », cette exigence n’est pas requise, si le joint linéaire entre le plancher et la façade ou entre la paroi et la façade a une largeur maximale de 20 mm. Dans ce cas, il suffit d’étanchéifier le joint avec un mastic souple, de sorte que la fumée ne puisse pénétrer dans un autre compartiment. En principe les liaisons satisfont la plupart du temps sans mesures complémentaires, par suite du détaillage de l’appui des planchers préfabriqués, de la présence de dalles de compression, des chapes sable-ciment et des joints en mortier entre parois.


Pour limiter ou éviter la propagation de l’incendie par l’extérieur, l’élément de façade doit présenter une certaine résistance au feu à hauteur du plancher ou de la paroi du compartiment. Dans les bâtiments « moyens » ou « élevés », l’élément de façade doit disposer d’une étanchéité au feu de E60 sur une longueur de 1 m à hauteur du plancher et de la paroi du compartiment (Figure 4). La réglementation prévoit encore d’autres solutions, mais celles-ci ne seront pas davantage approfondies dans cet article.
Pour les bâtiments industriels également, l’AR Normes de base émet des exigences sur la propagation de l’incendie entre deux compartiments. La paroi du compartiment doit, soit dépasser de 0,5 m du plan de la façade (Figure 6), soit être alignée des deux côtés avec la façade qui dispose sur une distance horizontale d’au moins 1 m, d’une résistance au feu E60 (pour les bâtiments de classe A) ou E120 (pour les bâtiments de classe B ou C) et construit en matériaux incombustibles (classe de réaction au feu A1 ou A2-s1,d0) (Figure 7).

Dans le cas de compartiments attenants de bâtiments industriels, dont les façades ne sont pas dans le même plan, la paroi du compartiment doit dépasser d’1 m de l’une des façades. Une de celles-ci doit satisfaire au critère EI60(o‹–›i)* jusqu’à une distance ‘x’, qui correspond au critère maximum admissible de 15 kW/m². Il est également possible d’exécuter les deux façades qui fforment le coin avec une résistance au feu de EI60-ef(o–›i)** jusqu’à la même distance ‘x’ (Figure 8).


Propagation de l’incendie par des éléments combustibles du système de façade
Dans la réglementation incendie actuelle il n’y a pas d’exigences explicites pour la propagation de l’incendie par des éléments combustibles d’un système de façade (Figure 3). Les services incendie peuvent formuler des recommandations dans le cadre de leur avis sur les demandes de permis de bâtir. Un groupe de travail du Conseil Supérieur de la sécurité contre l’incendie et l’explosion se penche actuellement sur de nouvelles règles de sécurité incendie pour les façades des bâtiments, avec une attention particulière pour la propagation du feu par des éléments combustibles. Les recommandations provisoires du groupe de travail ont été communiquées en février 2017. Elles n’ont pas encore été approuvées par le Conseil Supérieur mais sont déjà reprises ci-après.
Pour les bâtiments « bas » les exigences actuelles restent quasiment inchangées. La nouveauté est que les couches sous-jacentes au revêtement de façade doivent disposer au moins d’une classe de réaction au feu E. Il faut donc faire attention aux matériaux d’isolation qui appartiennent à la classe de réaction au feu F.
A côté des règles actuelles relatives à la propagation de l’incendie par l’extérieur et l’intérieur, il faudrait utiliser pour les bâtiments « moyens » et « élevés » un revêtement de façade qui satisfait à la classe de réaction au feu B-s3,d1, tandis que les couches sous-jacentes devraient être incombustibles (classe de réaction au feu A2-s3,d0). Si le revêtement de façade dispose d’une capacité de protection contre l’incendie K210, les couches sous-jacentes peuvent être combustibles à condition qu’une solution type avec des barrages au feu soit utilisée, pour éviter la propagation de l’incendie par les éléments combustibles de la façade. Ces solutions-types sont développées pour des systèmes ETICS et sont basées sur des réglementations en vigueur en Allemagne et en France. Le concepteur peut toutefois envisager, en concertation avec le fabricant des panneaux de façade en béton, d’intégrer les mêmes solutions-types. L’isolation des panneaux sandwiches et des prémurs se trouve d’ailleurs dans un espace sans air entre les deux panneaux en béton, ce qui ralentit une éventuelle propagation. Le principe consiste à interrompre l’isolation combustible par des bandes isolantes incombustibles continues et ceci à chaque niveau construit pour les matériaux isolants fusibles combustibles (EPS, XPS) et un niveau sur deux pour les matériaux isolants combustibles non-fusibles (PUR, PIR) (Figure 9).

Une autre solution consiste à protéger l’isolation combustible autour de toutes les ouvertures de fenêtres avec une isolation incombustible (Figure 10). Il s’agit alors, soit d’une isolation en laine de roche (classe de réaction au feu A1), soit d’une autre isolation qui satisfait à la classe de réaction au feu A2-s3,do. La densité de l’isolation incombustible est d’au moins 90 kg/m³.

A côté des bâtiments bas, moyens et élevés, une nouvelle catégorie est créée. Les bâtiments « très élevés ». Ils sont d’une hauteur supérieure à 36 m. Pour ces bâtiments, tous les éléments des façades devraient être incombustibles. Ceci signifie une classe de réaction au feu A2-s3,d1 pour le revêtement de façade et A2-s3,d0 pour les couches sous-jacentes. Les façades qui sont complètement protégées par un matériau d’une capacité de protection au feu K230 (protection pendant 30 minutes) ne doivent en principe pas satisfaire à cette exigence. La manière d’éviter la propagation de l’incendie par l’isolation combustible n’est pas encore clairement définie. Les solutions-types pour des bâtiments moyens et élevés pourraient en principe également être appliquées ici. Les règles relatives à la propagation de l’incendie par l’intérieur et l’extérieur restent en outre d’application.
Fixation des éléments de façade
Qu’en est-il de la fixation des éléments de façade en béton préfabriqué ? Selon l’AR Normes de base, ils tombent sous les façades à paroi unique et ils doivent, à hauteur de chaque niveau de construction, être fixés à la structure portante. Ceci est valable pour les bâtiments bas, moyens et élevés. Dans les bâtiments bas la fixation doit, de plus, disposer d’une résistance au feu de R60. Pour les bâtiments moyens et élevés, l’exigence de résistance au feu n’est pas spécifiée de manière univoque. Par analogie avec la résistance au feu d’éléments structurels, on pourrait considérer que les bâtiments moyens devraient disposer d’une fixation résistante au feu de R60, et les bâtiments élevés de R120. La durée de résistance au feu de la fixation n’est pas non plus fixée de façon univoque pour les bâtiments industriels. En toute logique, on pourrait, ici aussi, considérer qu’elle est identique à la résistance au feu des éléments structurels. Cette dernière dépend du type d’élément structurel et de la classe du bâtiment. Nous renvoyons pour cela à la NIT 256 du CSTC. La résistance au feu de la fixation peut être établie par calcul ou par des essais. Une alternative consiste à protéger la fixation contre l’incendie pendant la durée de résistance au feu requise.
Les éléments structurels sont ancrés à d’autres éléments structurels de telle sorte que des mesures complémentaires ne soient pas nécessaires pour satisfaire à la résistance au feu exigée. Les éléments de façade non-structurels peuvent être fixés de différentes manière à la structure portante. Selon le mode de fixation, des mesures complémentaires peuvent être nécessaires pour garantir la résistance au feu. Une distinction est faite entre les fixations visibles et cachées.

Les fixations visibles peuvent entre autres être réalisées au moyen de profils en L ou rails d’ancrage (Figure 11). Les fixations cachées peuvent être constituées de rails d’ancrage, consoles ou raidisseurs (Figure 12).

Dans le cas des fixations visibles, tant les éléments de fixation que les éléments d’ancrage sont sujets au feu. Le dimensionnement au feu des profils en L en acier peut être effectué sur base de la NBN EN 1993-1-2+ANB. Pour le dimensionnement des éléments d’ancrage on peut se baser sur la série CEN/TS 1992-4, le Technical Report 020 de l’EOTA et les ETA des fabricants d’éléments d’ancrage. Au lieu de calculer la résistance au feu, il est également possible de protéger la fixation contre le feu au moyen, par exemple d’un coating résistant. On peut d’ailleurs se demander si cette protection est toujours d’actualité. L’acier en contact avec le béton reste longtemps sous la température critique de 500°C, parce que la chaleur de l’acier qui s’échauffe très rapidement est transmise au béton qui s’échauffe très lentement. Cela signifie que de l’acier d’une épaisseur d’au moins 10 mm dispose, pour cette application, même non protégé, d’une certaine résistance au feu.
Les fixations cachées sont en principe suffisamment protégées par le béton qui les entourent. Lors de l’utilisation de rails d’ancrage, la fixation reste encore en contact avec le foyer, par des joints minces. Le réchauffement de la fixation se fera toutefois à ce point si lentement que des mesures complémentaires seront la plupart du temps inutiles.
Dans le cas d’exigences élevées de résistance au feu, les joints entre la structure portante et les éléments de façade peuvent être étanchés avec un produit ignifuge pour protéger la fixation.
Points d’attention dans la conception des fixations pour les bâtiments industriels
L’AR Normes de base exige que les parois extérieures des bâtiments industriels soient conçues et réalisées de manière à ce que, en cas d’incendie, elles s’affaissent vers le foyer de celui-ci. Ce n’est pas seulement l’affaissement des portiques vers l’extérieur qu’il faut éviter. Il faut aussi garantir qu’en cas d’incendie, les éléments de façade restent fixés aux colonnes des portiques. Lors du dimensionnement des moyens de fixation il est nécessaire de tenir compte du déplacement latéral de la tête de colonne vers l’extérieur qui, en cas de feu est provoqué par la dilatation thermique de la poutre (Figure 13).

Fixation de la paroi extérieure à la paroi intérieure
Ce ne sont pas seulement les éléments de façade eux-mêmes qui doivent correctement être fixés à la structure portante. La fixation de la paroi extérieure des panneaux sandwiches et des prémurs isolés à leur paroi intérieure doit également être solide. Il existe différents systèmes de fixation : cylindres, plaques, brides et aiguilles en acier inoxydable, barres en fibre de verre (connecteurs) ou filets en polymères renforcés de fibres de carbone. La paroi extérieure peut être accrochée à la paroi intérieure (librement pendue), mais les parois extérieure et intérieure peuvent également se soutenir mutuellement sur la fondation.
Dans l’application de panneaux de revêtement en béton, également appelés panneaux de façade, la fixation contre le mur porteur est réalisée avec des ancres de panneaux de façade, des profils en L ou des ancres de vent. Ces panneaux peuvent également être accrochés librement ou fixés empilés. L’AR Normes de base n’exige pas explicitement une résistance au feu pour ces fixations. Logiquement, les mêmes exigences que celles applicables aux fixations des éléments de façade à la structure portante peuvent leur être attribuées, donc R60 ou R120. Les essais de feu réalisés sur des panneaux sandwiches avec des barres en fibre de verre de Schöck et Thermomass d’une part, et de panneaux de façade accrochés avec des ancres de Halfen d’autre part, montrent que de très hautes résistances au feu peuvent être atteintes.
Pour cela, il est nécessaire d’éviter la propagation de l’incendie par l’isolation combustible ou par l’éventuel vide ventilé derrière les panneaux de façade, ou encore, les éléments de fixation doivent être suffisamment protégés avec des matériaux incombustibles. Comme il apparaît clairement dans cet article, les éléments de façade préfabriqués en béton disposent d’atouts importants pour satisfaire aux exigences actuelles de la législation incendie. La réglementation future, actuellement en préparation, ne pose pas non plus de problèmes. La propagation de l’incendie par une isolation combustible peut être simplement évitée par l’intégration de bandes isolantes incombustibles. (BHE)
RÉFÉRENCES :
- «Sécurité incendie des façades de bâtiments multiétagés», CSTC, juillet 2017
- NIT256 ‘Conception et mise en oeuvre de bâtiments industriels conformes aux exigences de sécurité contre l’incendie, CSTC, mars 2016
- Arrêté royal du 12 juillet 2012 «Normes de base de prévention incendie»
- NBN EN 1992-1-2:2005 + ANB:2010
- Rapport Y 1422-1-RA-002, 3 décembre 2015, Peutz, commanditaire Schelfhout
- Rapport YA 1422-1-RA-001, 14 novembre 2012, Peutz, commanditaire Schelfhout
- Prüfbericht 07040314, 15 juillet 2009, IBS, commanditaire Halfen
- Report 17055MH/14_4, 29 novembre 2017, Technische Universität Kaiserslautern, commanditaire Schöck
- Test report 157832 Ausgabe 2, 15 décembre 2006, Warringtonfire, commanditaire Construction Systems Marketing (Thermomass)