Impact environnemental des dalles alvéolées en béton

La preuve que le béton est une alternative totalement durable à la construction en bois a été faite à Roulers. La structure en bois du futur hôtel de ville y a été transformée en une structure en béton préfabriqué, sans perdre l’ambition de devenir l’hôtel de ville le plus durable de Flandre, avec le label de durabilité BREEAM “Excellent”. Il est donc logique que, dans une étude récente de la KU Leuven, le béton obtienne de bons résultats.
En 2018, l’interface TOTEM a été lancée pour estimer l’impact environnemental des bâtiments. La KU Leuven a réalisé sur cette base une étude ACV comparative d’un immeuble d’habitation en 2020 [1]. Trois types de construction ont été comparés ici : le béton, l’acier et le bois, tous avec les mêmes exigences fonctionnelles. Dans la variante en béton, les planchers porteurs sont constitués de dalles alvéolées, les murs intérieurs et extérieurs porteurs sont des murs de maçonnerie en blocs de béton creux, les murs intérieurs non porteurs et les façades sont constitués de briques de maçonnerie en terre cuite. L’étude montre que l’impact environnemental de la variante en bois n’est inférieur que de +/- 5 % à celui de la variante en béton. Ce résultat doit toutefois être nuancé.
Premièrement, il y a la marge d’imprécision des impacts environnementaux calculés. La version de TOTEM appliquée utilise principalement des données environnementales génériques. Celles-ci sont basées sur des hypothèses générales et des valeurs moyennes, de sorte que le résultat présente une certaine variabilité. En outre, la base de données utilisée contient des données sur les matériaux qui n’ont pas été révisées en profondeur depuis le début des années 2000 et le carbone biogénique des produits du bois est attribué sur la base d’une allocation économique. Les données économiques sur lesquelles reposent ces allocations sont obsolètes, ce qui peut également entraîner des impacts environnementaux erronés. Enfin, l’absorption et les émissions du bois non commercialisable laissé dans la forêt et les émissions du carbone stocké dans le sol ne sont pas prises en compte [2].
Deuxièmement, la durée de vie supposée du bâtiment dans TOTEM est de 60 ans. L’impact environnemental peut être réduit en prolongeant la durée de vie du bâtiment [1]. Si l’on tient compte de la durée de vie réelle des matériaux utilisés, la différence entre l’impact environnemental des variantes en béton et en bois se réduit. Pour garantir une longue durée de vie, outre une qualité et une durabilité élevées, une grande adaptabilité du bâtiment est également importante. Les dalles alvéolées précontraintes sont indispensables à cet égard. L’analyse du Dr.-Ing. Christopher Kämereit [3] prouve l’effet positif des concepts de conception modulaire adaptable sur les impacts environnementaux. Pour la structure étudiée, les émissions de gaz à effet de serre sont supérieures de 16 à 27 % (selon le degré d’adaptabilité) à celles d’une structure conventionnelle en béton coulé sur place, mais ces charges écologiques supplémentaires sont déjà amorties par une prolongation de la durée de vie de 8 à 14 ans. Pour une durée de vie de 100 ans, les émissions de gaz à effet de serre sont réduites de 42 à 36 % par rapport à une construction conventionnelle en béton coulé sur place d’une durée de vie de 50 ans. Il est même possible de construire des structures en béton préfabriqué d’une durée de vie supérieure à 100 ans [3].
Troisièmement, les résultats ne doivent pas être généralisés. Outre les matières premières utilisées et le site de construction, la structure et la morphologie d’un bâtiment ont également un impact majeur sur les résultats des calculs de l’ACV. Par exemple, les auteurs de l’étude TOTEM [1] soulignent que l’impact de la variante bois est plus important si la structure porteuse de l’immeuble d’habitation est constituée de poutres et de colonnes. Une étude norvégienne [4], comparant la phase de construction d’une structure en béton préfabriqué d’un immeuble de bureaux de 4, 8 et 16 étages avec celle d’une structure en bois ayant les mêmes exigences fonctionnelles, montre qu’à partir de 8 étages, la structure en béton préfabriqué avec une composition de béton optimisée émet moins de gaz à effet de serre que la structure en bois.
Quatrièmement, le module D (réutilisation et recyclage) des analyses du cycle de vie est ignoré dans TOTEM. Cependant, l’impact environnemental d’un bâtiment peut être réduit en s’assurant que les produits peuvent être retirés du bâtiment à la fin de leur vie pour être réutilisés ou recyclés [1]. Les experts s’attendent à une augmentation de l’activité de construction mondiale pouvant aller jusqu’à 70 % et à une forte hausse des prix des matières premières. Outre l’aspect écologique, il est donc également intéressant d’un point de vue économique de développer des bâtiments démontables. Il est techniquement possible de démonter les dalles alvéolées et de les réutiliser. La Circle House au Danemark, le projet ReDeMaM à l’Université technique de Dresde et la tour résidentielle “Moringa” à Hambourg sont quelques exemples [5]. Aux Pays-Bas, le Tijdelijke Rechtbank Amsterdam a été construit en 2015 et a depuis été démantelé en éléments de construction qui trouveront une nouvelle utilisation à Enschede. À Oslo, en Norvège, même les dalles alvéolées ont été retirées d’un ancien bâtiment gouvernemental et réutilisées dans deux projets de construction. Des projets similaires ne tarderont pas à voir le jour en Belgique. Si la réutilisation est impossible, nous en arrivons à la dernière option dans un secteur de construction circulaire, à savoir le recyclage. Le béton peut être recyclé à 100 %, encore et encore. La plus grande partie est utilisée pour les fondations des routes, une petite partie comme agrégat dans le béton. De nombreuses personnes considèrent à tort que son utilisation dans les fondations est de qualité inférieure, alors qu’elle est équivalente à son utilisation dans le béton neuf. En effet, dans les deux cas, des matières premières similaires sont substituées. Récemment, dans le cadre du projet ZIN à Bruxelles, 30 000 tonnes de gravats provenant de bâtiments existants ont été triées et concassées en 3 500 tonnes de granulats de béton, qui ont été utilisés pour la production de nouveau béton préfabriqué, entre autres [7].
Cinquièmement, TOTEM ne tient pas compte de l’inertie thermique du bâtiment. Il s’agit pourtant d’une caractéristique importante qui influe sur la performance énergétique d’un bâtiment. Les futures mises à jour de TOTEM quantifieront plus précisément l’utilisation de l’énergie opérationnelle pour le chauffage et le refroidissement afin que l’utilité de l’inertie thermique soit correctement prise en compte [1]. Cela joue en faveur du béton, qui peut encore réduire son impact sur l’environnement.
Enfin, il n’existe pas de consensus sur la manière de modéliser le carbone biogénique des produits du bois dans l’analyse du cycle de vie. Cependant, il est impératif que les calculs des émissions de gaz à effet de serre soient effectués de manière transparente et comparable afin d’éviter toute information trompeuse. Les approches traditionnelles de l’ACV ne tiennent pas compte de l’effet du calendrier des émissions de carbone et de l’influence des périodes de rotation de la croissance de la biomasse. En particulier, les produits du bois ont une longue période de rotation en raison de leur croissance lente, de sorte qu’ils ne peuvent pas être considérés comme neutres en carbone sur une courte période. Plus la période de rotation est longue, plus le CO2 reste longtemps dans l’atmosphère et plus le potentiel de réchauffement planétaire (PRP) de la biomasse est élevé. Une étude de cas montre que le score PRP du bâtiment est 29 % plus élevé lorsque ces aspects temporels sont pris en compte [8].
Les concepteurs jouent un rôle crucial dans la transition vers un secteur de la construction circulaire. Outre l’allongement de la durée de vie et la possibilité de réutilisation, ils peuvent également se concentrer sur l’efficacité des matériaux [9]. Dans sa thèse de doctorat, Sven Wünschmann a évalué l’impact environnemental de différents systèmes de plancher d’un immeuble de bureaux [10]. Les résultats montrent que les dalles alvéolées, au lieu d’un plancher en béton coulé sur place, peuvent réduire les émissions de gaz à effet de serre d’environ 12 %. Mais ils sont également plus performants en termes de tous les autres indicateurs environnementaux étudiés, qui ne sont pas moins importants. Les émissions liées au PDO (appauvrissement de la couche d’ozone) sont inférieures d’environ 33 % à celles d’un sol coulé sur place. En ce qui concerne l’EP (enrichissement des nutriments dans le sol et l’eau), les émissions sont inférieures d’environ 15 %. L’étude a également analysé la consommation d’acier et de béton. Le processus de production industrielle des dalles alvéolées précontraintes réduit la consommation de béton d’environ 54 % et la consommation d’acier d’environ 86 % par rapport au plancher coulé sur place [10].
Les arguments ci-dessus montrent que le béton préfabriqué joue un rôle important dans la réalisation de bâtiments durables. En outre, les efforts actuellement déployés par l’industrie du ciment et du béton, en termes d’utilisation des matières premières et d’efficacité énergétique, permettront de réduire davantage l’impact environnemental global du béton [11]. Entre-temps, les premiers pas vers l’utilisation de liants alternatifs dans le béton ont également été faits [12]. La durabilité du secteur du béton est plus réaliste que jamais. Le béton préfabriqué semble présenter des atouts particuliers à cet égard. (BHE)
Références:
[1] Study on the environmental impact of concrete and cement based products applied in buildings – evaluation with TOTEM – update 2020, KU Leuven for FEBELCEM (2020)
[2] Carbon Accounting for Building Materials-An assessment of Global Warming Potential of biobased construction products, LBPSIGHT, version 03, June 8th, 2022
[3] Prinzipien des nachhaltigen Konstruierens bei Geschossbauten, auf Grundlage der Dissertation von Dr.-Ing. Christopher Kämereit (2019), Bundesverband Spannbeton-Fertigdecken
[4] Anne Rønning et al., Greenhouse gas accounting of wooden and concrete structures, 2019, OR-26-19
[5] Kreislaufwirtschaft in der Baubranche, Bundesverband Spannbeton-Fertigdecken
[6] Kan beton nog circulairder?, Cement, 2018/4
[7] https://www.ergon.be/nl/project/zin-project/
[8] Hoxha E. et al., Biogenic carbon in buildings: a critical overview of LCA methods, Building and Cities, 2020
[9] Decarbonisation Pathways for the Australian Cement and Concrete Sector, 2021
[10] Sven Wünschmann, Gebäudestrukturen und deren Einfluss auf die ökologische Lebenszyklusqualität, HafenCity Universität Hamburg, 2018
[11] Cementing the European Green Deal, Reaching climate neutrality along the cement and concrete value chain by 2050, CEMBUREAU
[12] Het Gentse duurzaamheidsrapport 2022 – focus op Prosperity, Stad Gent